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    Colloque international "Écoféminismes européens"

    Colloque international "Écoféminismes européens"

    International Symposium European ecofeminism(s)

    Les jeudi 14 et vendredi 15 novembre 2024, l'Institut de recherche en Langues et Littératures Européennes (ILLE) de l'Université de Haute-Alsace accueillera le colloque international "Écoféminismes européens".

    Depuis près de dix ans, des chercheuses de l’ILLE s’intéressent à l’écriture du Féminin à travers des sujets comme l’apprentissage du devenir féminin, le crime et son interrogation selon son genre, son origine, son parcours de vie. Les profonds changements dans la conception du monde et de l’environnement bouleversent ce thème, le prolongent et le font évoluer. Les structures asymétriques du pouvoir restent : les femmes dont la vie et l’action sont encore, malgré les progrès sociaux, souvent assimilés à une mise sous tutelle ou une mise hors champ, sont encore aujourd’hui dans la lutte contre le patriarcat et la domination masculine. Mais quel est l’apport de la perspective écologique dans ce domaine ? Depuis plus de trente ans, de nombreuses études internationales montrent un parallèle entre le traitement du féminin et de l’écologie, la pensée de la nature et du féminin connaissant le même combat dans l’écoféminisme.

    Utilisé la première fois en France par Françoise d’Eaubonne dans un ouvrage paru en 1972, ce mot, contraction d’« écologie » et de « féminisme », part du principe que les femmes sont victimes de la domination masculine, et que le rapport à la terre en constitue l’une des conséquences. La révolution écologique passe dès lors par une révolution féministe ; mais comment déjouer le système de domination des hommes sur la nature et les femmes elles-mêmes ? D’Eaubonne dénonce l’organisation sexiste de la société qui a permis la domination des femmes par les hommes et la destruction de la nature par son exploitation forcenée. Elle voit dans le masculin la force de destruction technique de la nature et pour elle, les valeurs du féminin sont les seules valables pour une survie de la nature et de l’être humain. Elle sait que le temps presse et que, plus que de révolution, la terre et l’humanité ont besoin de mutation. Elle prône aussi un changement dans les relations entre les sexes.

    Si la construction d’une critique écoféministe est encore en cours aujourd’hui, il est possible d’identifier un espace privilégié en la matière dans le contexte européen. Déjà en 1994, Dagny Kaul identifiait la relation entre la pensée féministe et ses liens entre nature et science et recherche socioculturelle. Ces mêmes idées sont aujourd’hui réaffirmées par les activistes et écrivaines de l’écoféminisme de divers pays européens, comme l’espagnole Yayo Herrero López - qui propose des solutions concrètes et similaires pour la crise climatique et la crise du féminisme. De la même manière, le concept d’écoféminisme a été repris par des féministes anglo-saxonnes qui lui ont donné une tournure politique, devenant ainsi un outil de revendication sociale. Elles ont fait de l’écoféminisme une pensée qui englobe les grands défis écologiques actuels, et ceux économiques et éthiques. Elles dénoncent des exactions commises contre la nature, mais leurs analyses politiques et économiques vont aussi se doubler d’une réinvention du spirituel ou d’une réinterprétation du religieux. L’écoféminisme spirituel consiste à repenser le sacré, que ce soit en critiquant les principales religions pratiquées, pour opérer une réhabilitation de la nature et des femmes, ou en réinventant le sacré en marge des grandes religions monothéistes. Ainsi, une certaine forme d’écoféminisme spirituel renoue avec des croyances du type polythéiste ou animiste, la nature étant alors présentée comme une divinité immanente et asexuée. L’écoféminisme spirituel, qu’il s’inscrive dans un courant religieux existant ou qu’il invente une nouvelle forme de sacré, se donne pour défi d’aller au-delà d’une compréhension hiérarchisée et dualiste du monde.

    Dans la littérature et la culture européenne contemporaine, l’écoféminisme est un sujet émergent qui motive les écrivains et les artistes particulièrement sensibilisés par les effets visibles du changement climatique dans ces aires géographiques ainsi que de la tradition des revendications féministes. Comme Katarina Leppänen (2022) le montre, les productions culturelles nordiques traitant des catastrophes écologiques, des scénarios dystopiques et apocalyptiques sur l’avenir de la planète ont augmenté dans les dernières années et ils prennent de plus en plus lieu dans les sphères nordiques, la mode des films catastrophes norvégiens (Troll, The Wake ou The Wave par exemple), sans oublier Melancholia de Lars von Trier, qui associe les personnages féminins à une représentation tragique et esthétisée du devenir de la planète. Cependant, un nombre limité de ces productions est explicitement féministe ou écoféministe, même si ces œuvres offrent des lectures de genre. Au Portugal, la contribution d’écrivaines telles qu’Isabel do Carmo a permis de considérer les implications sociales de l’écoféminisme dans le lien avec l'éducation - un parcours similaire à celui proposé en Italie par Lisa Muraro - qui se concentre sur le concept de maternité et sur son opposition au patriarcat et au modèle capitaliste d'exploitation de l’environnement.

    La littérature et la culture européennes se font l’écho de ces revendications, il n’en demeure pas moins que la littérature écoféministe anglophone, pionnière du domaine, reste assez méconnue en France, ainsi que les écofeminismes nordiques et germanophones, alors même que le roman de l’écrivaine autrichienne Marlen Haushofer, Die Wand (Le Mur invisible) paru en 1963 a eu un succès retentissant et fonctionne comme un paradigme des récits écoféministes. Nous nous proposons dans ce colloque d’étudier les écoféminismes européens. Plusieurs variantes d’écoféminisme peuvent être examinées : un écoféminisme littéraire et culturel, qui se base sur une éthique du « care » (éthique de la sollicitude), un autre plus social et politique, pour montrer à travers des œuvres littéraires, la domination sociale qui pèse sur les femmes, un volet esthétique et artistique, à l’instar des féministes performeuses activistes islandaises, Love Icelandic Corporation, qui déconstruisent dans des vidéos et des performances, les codes genrés et les dérives environnementales actuelles. Une attention particulière sera portée sur les sujets développant une attention aux questions écologiques et environnementales ainsi qu’au développement des revendications féministes.

    Ce colloque a l’ambition de faire entendre une diversité de voix féministes et féminines, de prendre en compte les différences culturelles, de souligner la représentation des modes d’oppression des femmes et de montrer les solutions envisagées dans des scénarios littéraires et culturels renouvelés, dans/à travers une nouvelle conscience écologique.